La Bio martyrisée

Publié le par Le Mendiant

COUP DE GUEULE

« Maintenant, il va falloir se méfier du logo AB »  Est-ce un industriel de l’agro-alimentaire qui parle ainsi ?  Non, un responsable d’un petit magasin Bio !  Soucieux de qualité et de préserver les valeurs de la Bio, il a décidé de se passer progressivement du fameux label français AB.

« La ministre de l’Agriculture, Christine Lagarde, aurait voulu torpiller le Grenelle de l’environnement, prévu à l’automne prochain qu’elle me s’y serait pas prise autrement. » écrivait le magazine Marianne du 19 juin 2007.

Que s’est-il donc passé ?  Le 12 juin dernier, dans un élan des plus démocratique, la Commission Européenne a décidé contre l’avis du Parlement Européen et des consommateurs d’autoriser la contamination des produits estampillés Bio  par les OGM à hauteur de 0,9%, comme les autres produits issus de l’agriculture conventionnelle!

Comme le soulignait le communiqué de presse des acteurs de la bio : « Nous  avions  pourtant  alerté  la  ministre  sur le risque majeur que représentait  ce  nouveau règlement pour l'agriculture biologique, une telle  banalisation  du cahier des charges la détournant de sa nature, de  ses  spécificités  et  de  ses  enjeux. »

En remerciement de son vote courageux (quatre pays ont voté contre le texte : la Belgique,  l’Italie,  la Hongrie  et  la Grèce), Christine Lagarde, a été depuis promue au Ministère de l’Economie, où elle a déjà eu l’occasion de faire des étincelles néolibérales sur le mode : « la France est un pays qui pense […] Assez pensé maintenant. Retroussons nos manche ! »





Les journaux ont-ils parlés de la mort de la Bio traditionnelle ?  Ce crime a-t-il fait les gros titres du 20 heures ?  Evidemment pas: surtout ne pas ébruiter que nous consommons en permanence des OGM sans le savoir… La grande majorité de la population y est farouchement opposée ? Aucune importance : voilà belle lurette que les politoquards ne suivent plus la volonté des citoyens mais celle des lobbies industriels.  Et les lobbies « génétiquement modifiés » sont parmi les plus puissants et les plus cyniques…

« Monsanto ne devrait pas avoir à garantir la sécurité de la nourriture à base d’OGM. Notre intérêt est d’en vendre autant que possible. La responsabilité d’assurer que le produit est sans danger revient au gouvernement. » déclarait ainsi Phil Angell, le Directeur de la Communication de Monsanto (New-York Times, 25 octobre 1998, cité par le film The Future of Food de Deborah Koons Garcia)

Un taux de moins de 0,9% d’OGM n’entraîne donc pas d’obligation d’étiquetage sur les produits et les consommateurs ne sont pas informés si les animaux qu’ils consomment ont été ou non nourris aux OGM alors que 80% des OGM sont destinés à l'alimentation animale…

Résultat : les OGM sont déjà partout ! La plupart des biscuits et confiseries seraient contaminés, de même que les produits light et les produits laitiers du grand commerce. Voir le guide de Greenpeace sur http://www.detectivesOGM.org 

Voici donc la BIO transformée en BIOGM. Mais ce n’est pas tout… Le texte introduit aussi la notion de « flexibilité » dans l’agriculture biologique, en réalité un scandaleux nivellement par le bas : certains pays européens seront autorisés à faire moins que le cahier des charges européens, tout en ayant droit à l’appellation Biologique !

Enfin, et ce n’est pas la moindre des inquiétudes lorsque l’on connaît les conditions d’élevages des animaux en batterie, le pâturage des herbivores n’est pas rendu explicitement obligatoire et les traitement vétérinaires autorisés ne sont pas listés. Des viandes bio pourront donc être produites à la chaîne et bourrées d’antibiotiques sans que le consommateur n’en sache rien !

L’intérêt pour les industriels et les gros distributeurs est évident. Déjà, la bio n’apparaîtra plus comme « aussi spéciale que cela » !  Surtout, la nouvelle réglementation permettra de multiplier les surfaces de culture et d’élevage, notamment dans les pays de l’Est à plus bas coût. Il sera plus facile et moins coûteux de produire bio et les industriels pourront inonder les linéaires des hypermarchés de produits bio « premier prix »… Et tant pis si ces produits auront parcourus des milliers de kilomètres par la route ! Nous ne sommes pas à une contradiction près… 

Mais le consommateur est-il vraiment aussi con que son nom l’indique ?  La Commission a sans doute commise une grosse erreur en n’arrivant pas à interdire, comme il était prévu dans la première mouture du texte, les labels privés comme « Nature & Progrès » (www.natureetprogres.org ) ou « Demeter » (www.bio-dynamie.org ), associations aux cahiers de charges bien plus rigoureux. Car les consomm’acteurs Bio sont généralement bien informés et ils ne se la laisseront pas conter par les technocrates corrompus. Le logo AB est décrédibilisé ?  Et bien nous reporterons notre choix sur un autre logo et retournerons gaiement vers les magasins bio, seule manière au demeurant de faire des économies tout en consommant sainement.

Une anomalie était en effet apparue dans les linéaires des hypermarchés ces dernières années : des dizaines voire des centaines de produits bio y côtoyaient les milliers de références de la malbouffe « traditionnelle ». De même qu’avec les produits dits « éthiques », le logo AB permettait aux enseignes de se dorer un minimum le blason : « Mais si, vous voyez, nous vendons aussi de la qualité ! »  Qu’importe que les valeurs de la Bio soient aux antipodes des pratiques commerciales des hypers. Qu’importe que les produits Bio y soient parfois de moindre qualité gustative. Du point de vue du marketing et de l’esbroufe, les labels font toujours de l’effet !

Avec la mort de l’AB, la tartuferie prendra donc fin. Désormais synonyme de « malbouffe de qualité », le logo AB pourra s’étaler sans honte sur les linéaires des grandes surfaces, tandis que les produits « sérieux » prendront le chemin exclusif des petits magasins.

La Bio est à un tournant dangereux et il convient à tous les acteurs de prendre la mesure de l’enjeu. En chinois, le mot crise est formé de deux caractères. L’un signifie danger, l’autre opportunité. Le monde de la Bio se voit offert l’opportunité de se distinguer une fois pour toute de l’agriculture productiviste. 

Les magasins doivent dès à présent envisager une sélection rigoureuse afin que les consomm’Acteurs puissent continuer à acheter en confiance. L’esprit Bio ne perdurera, en effet, que s’il existe des labels vis à vis desquels le doute n’est pas permis. Et pourquoi ne pas en profiter pour limiter les emballages et les produits « made in trop loin » ? Le consommateur devra dans un premier temps être mieux informé mais ce pourrait être l’occasion d’aborder avec lui un certain nombre de pratiques honteuses que l’on nous dissimule : les produits raffinés, les arômes, les exhausteurs de goûts, les cosmétiques nocifs pour la peau, les parfums d’ambiance cancérigènes,… 

Les producteurs soucieux de qualité devront à terme rejoindre les labels indépendants, quitte pour cela à renforcer encore leurs exigences de qualité. Le développement d’un nouveau label reprenant les exigences de l’ancien AB permettrait certes de conserver les bonnes habitudes mais il ne faudrait pas multiplier les logos et les sources de confusion. www.fnab.org

Il serait peut-être opportun, enfin, que les labels deviennent plus abordables afin de ne pas rajouter inutilement aux coûts de production. Nombre de petits producteurs, qui produisent d’ores et déjà Bio, n’ont en effet pas les moyens d’estampiller leurs produits et risquent de souffrir de l’arrivée de la « vraie fausse AB ».  Les accueillir permettrait de renforcer la présence des logos privés et de réduire d’autant l’influence des BIOGM. En ces temps troublés, la solidarité doit prévaloir sur la compétition afin de créer la synergie nécessaire à la relance de l’éthique Bio. 
 
Alors, la Bio sortira renforcée de cette tentative d’assassinat!


Le Mendiant
Le pire n’est pas une fatalité. Parlez-en autour de vous…

Dessin Jean Philippe Combaz © Satoriz

Publié dans COUPS DE GUEULE

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C
<br /> <br /> Excellent, ce blog !!!<br /> <br /> <br /> Avec de l'humour, en plus.<br /> <br /> <br /> Chantal (de Toulon)<br /> <br /> <br /> http://SAMTROULK.blog.mongenie.com/<br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Merci pour le compliment!<br /> <br /> <br /> <br />
L
Je viens d'apprendre que Christine Lagarde avait eu la firme Monsanto comme cliente dans le cabinet d'avocat d'affaires qu'elle dirigeait...  Pourquoi ne suis-je donc pas plus surpris que cela ?
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